TOUXTES STREET-MÉDICS
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Version en date : 04/2024
Changelog :
04/2024 : intégration de l’article de présentation en guise de préambule, modifications mineures
03/2024 : brochure originelle
Préambule
Contents
- 1 La vue
- 2 Les voies respiratoires
- 3 La tête
- 4 Cadre légal des street-médics
- 5 Les premiers secours d’après la loi
- 6 La question des diplômes
- 7 La victime
- 8 Se préparer psychologiquement
- 9 Posture face aux forces de l’ordre
- 10 “Médics !”
- 11 Conseils généraux de manifestation
- 12 Conseils légaux
- 13 Les forces de l’ordre
- 14 Street/Riot médic : pour aller plus loin
- 15 Gestion psy
Ces dernières années la pratique street-médic a fait face à beaucoup de défis : on a certes observé (comme tout le monde) un durcissement de la repression en manif, ainsi que (et en fait, surtout) dans la vie (quartiers pop, squats, teufs, etc). Mais on a aussi vu apparaître une héroïsation des street-médics. Ça a eu deux conséquences :
– D’une part, la recrudescence de mascus, la militarisation du “look” street-médic (les fameux “tacticools” qui se croient dans Call Of) et même (et on a encore du mal à s’en remettre) l’apparition de (micro-)influenceurs street-médics
– d’autre part, un sentiment grandissant d’impuissance des manifestantxs. « et pour les médics, hip hip hip ! », « ouf, les médics ! » ; les médics devenant des sauveurxs essentielxs
Sauf que…
Nous aussi on a commencé en zigzagant en manif avec deux compresses et trois sérums phy. Les premiers secours, et plus particulièrement les premiers secours “en situation dégradée”, ça s’apprend et ça se transmet. Et on a peut-être aussi une part de responsabilité dans le manque de circulation des infos sur le sujet.
Mais surtout, après nos kilomètres de sparadraps posés, on se considèrent encore comme des manifestantxs : on vient en manif / en action / en ZAD / autre pour les même raisons que tout le monde : parce qu’on a peur, parce qu’on a le seum, parce qu’on a la rage : et on se refuse à tout traitement de faveur, de nos camarades ou des flics. On est guère plus que des camarades qui mettent un brassard ou un vieux t-shirt blanc pour signifier que si y a besoin de premiers-secours, on est là.
Pour nous le “street-médic” devrait rester dans la lignée historique de cette pratique hautement politique et sûrement pas neutre : une composante du soin communautaire. C’est d’autant plus vrai pour les groupes minorisés, mais ça s’applique à tout le camp social. L’autonomie est la clef de notre émancipation.
Dans cette logique, on a donc décidé de faire une nouvelle brochure (l’ancienne datant déjà de 2017), qui devrait vous permettre d’avoir des bases de premiers secours, de vous former/auto-former et éventuellement avoir des pistes pour creuser plus si vous le voulez. D’ailleurs si c’est le cas, vous pourrez trouver beaucoup plus d’infos sur notre wiki (encore en construction) https://medicaction.org/wiki/. Les corrections, suggestions, contributions et ressources sont évidemment bienvenues.
Être street-médics, c’est quoi
Les street-médics sont des bénévoles fournissant des premiers secours dans des contextes à risque (principalement des manifestations) où les institutions ne peuvent/veulent pas forcément être présentes directement, notamment (mais pas nécessairement) pour assurer le relai avec celles-ci.
Contrairement aux idées reçues, les soins ne constituent qu’une petite partie du rôle de street-médic, car il ne s’agit la plupart du temps que de gestes de premiers secours en attendant des personnes plus aptes. Les compétences principalement mises en œuvre :
- Connaissance des manifs (environ 70% du travail) : pour pouvoir faire du premier secours en manifestation (ou tout autre contexte à risque), il est important de connaitre cet environnement : se renseigner sur les armes et stratégies des forces de l’ordre, le fonctionnement des logiques de foules, etc ;
- Sens de l’humain (20%) : s’ouvrir le front dans sa cuisine et dans une manifestation violente ne sont pas la même chose. Il s’agit de savoir faire de « l’humain » pour : se gérer soi-même (rester calme, connaitre ses limites), gérer ses camarades (les connaitre, communiquer) et enfin interagir avec la foule et rassurer une victime dans un environnement hostile
- Enfin seulement, les soins (10%) : cela nécessite de bien connaitre ses protocoles de soins afin d’éviter le sur-accident. Dans la plupart des cas, ceux-ci se limitent aux premiers-secours tels qu’enseignés dans n’importe quelle formation instutionnelle.
Compte tenu de l’importance vitale du rôle de street-médics, il est impératif de ranger son égo de côté et de prendre sur soi lorsque l’on dialogue avec quelqu’un : aucun diplôme, aucune année d’expérience sur le terrain, aucun charisme ne justifie d’écraser les autres. Quand une personne vous fait une remarque, faites preuve de remise en question.
Être street-médic est intrinsèquement politique : de ses origines à ses applications actuelles, cette pratique tourne autour de l’accès aux soins et aux premiers secours dans des contextes où ceux-ci sont déséquilibrés, auprès de personnes exposées à de forts risques. Il n’est donc pas question de neutralité mais bien d’une extension des luttes au médical. Les street/riot-médics ne se réfèrent pas au serment d’hippocrate. Nous avons toujours un choix politique à faire.
Protections
Que ce soit à l’instant T au moment où la manifestation s’emballe ou de manière générale, il est préférable de protéger dans l’ordre : les yeux, les voies respiratoires, la tête et enfin le reste du corps. En effet, il est préférable de se retrouver dans les gaz lacrymogènes en train de cracher ses poumons mais en sachant par où sortir que l’inverse. Qui plus est, il est possible de gérer sa respiration (en limitant le nombre d’inspirations et leur volume, voire de se mettre en apnée) là où fermer les yeux ne vous protègera de toute façon pas contre les effets des gaz lacrymogènes.
La priorité reste ensuite à l’appréciation de chaque personne : une personne asthmatique pourrait préférer avant tout protéger sa respiration pour des raisons évidentes.
Il va de soi que porter des équipements de protection n’est pas très bien vu par la justice et la police. À leurs yeux, cela implique d’une part une préméditation en vue d’actes illégaux, et d’autre part une volonté de dissimuler son visage. Dans le cas des street-médics, il est possible de jouer sur le fait d’être clairement identifiable pour nier le second. Néanmoins, il y a de fortes chances de se faire saisir son matériel en cas de contrôle et fouille, voire un risque d’interpellation.
La vue
Il y a deux risques majeurs concernant les yeux en manif : les gaz et les chocs. La plupart des protections disponibles dans le commerce ne couvrant généralement que l’un ou l’autre, deux pistes sont possibles :
- acheter des lunettes de chantier et boucher les trous avec du scotch ou du silicone, ce qui ne garantit pas une étanchéité parfaite mais assure une forte protection contre les coups. Ce genre de masque peut assez facilement se trouver en magasin : privilégiez des masques pas trop massifs (au risque de gêner le port d’un masque à gaz)
- la seconde solution est d’acheter des masques de piscine ayant pour réputation d’être assez solide : à l’inverse des lunettes de chantier, la résistance aux chocs est moins garantie, mais cela se fait au profit de l’étanchéité. Des masques comme le « masque de natation active NABAIJI » ont déjà fait leur preuves contre des LBD. Préférez des masques avec sangles réglables pour pouvoir les placer facilement sur un casque.
Évitez au maximum d’utiliser des lunettes de piscines : leur taille les rendent susceptibles à un enfoncement orbital en cas de choc violent.
Les voies respiratoires
De nombreuses solutions de dernier recours circulent en ligne (citron ou vinaigre sur une écharpe, etc), avec des résultats variables.
La première des protections comme déjà évoquée est tout simplement celle… de l’apnée. Il est préférable d’éviter une exposition prolongée aux gaz, d’une part car cela implique de se maintenir dans une zone à risque sans trop de raison, et d’autre part pour des raisons de santé à long terme. Ainsi, que ce soit pour traverser ou aller chercher une personne en difficulté, l’exposition à des gaz denses dure rarement plus de quelques dizaines de secondes : rester calme, respirer lentement voire être en apnée (en faisant attention à ce que ça ne provoque pas de d’état de panique) et prendre des inspirations faibles permet généralement de se sortir des gaz sans plus de difficulté et sans protections (et même avec, les protections n’étant jamais parfaites).
La protection précaire serait tout simplement une écharpe ou tout tissu pour couvrir sa bouche et son nez. Cela n’empêchera pas les gaz lacrymos de passer, mais cela peut couvrir face à un jet de gazeuse à main.
Une première protection digne de ce nom sont les masques de chantier jetables “FFPx”, achetables en magasin de bricolage. Les FFP2 protègent assez peu, les FFP3 protègent plutôt bien.
Enfin, les masques dits « à cartouche » offrent la meilleure protection passive contre les gaz pour un prix et un poids correct. Ces masques peuvent être des « demi-masques », ne couvrant que le nez et la bouche, ce qui permet de choisir ses protections occulaires, ou complets, offrant un meilleur champs de vision mais une moins bonne protection contre les chocs. Ils mènent également plus facilement à une saisie ou une garde à vue.
La tête
Pour se protéger la tête, un simple casque suffit. Plusieurs choses sont à prendre en compte néanmoins dans le choix du casque : d’une part, le confort. Si le casque ne permet pas de le régler ou s’il ne dispose simplement pas de mousses pour amortir sur la tête, le porter pendant plusieurs heures peut devenir extrêmement inconfortable. D’autre part, il est préférables d’éviter des casques à l’allure trop agressive : comme on le verra plus tard, l’aspect psychologique est très important dans la prise en charge des blessé-es, et une personne portant un casque à pointe inspire peu la confiance. La réaction des forces de l’ordre est également à prendre en compte. Dans la mesure où il s’agit de se protéger contre des chocs « limités » (relativement parlant) comme des coups de matraque, des tirs de LBD ou tout simplement des chutes, et non contre des armes à feu, il est préférable de privilégier des casques légers, comme des casques de snow.
Signalisation
Selon ce que vous comptez faire, il y a plusieurs approches possibles quant à la signalétique. Vous pouvez emmener du matériel de premier secours (et vos compétences !) sans nécessairement vous rendre visible : cela ne vous empêchera pas d’aider si le besoin se fait sentir. À l’inverse, vous pouvez si vous préférez vous rendre le plus visible possible avec des vêtements blancs/oranges/rouges : cela vous rend plus visible par les personnes autour, mais aussi par les forces de l’ordre.
Historiquement, les street-médics s’identifient avec un simple brassard blanc : celui-ci est discret et facilement enlevable au besoin. En revanche, dans des manifestations où le public a moins l’habitude, il peut-être préférable d’avoir une signalisation plus explicite.
Cadre légal des street-médics
De par leur rôle important et leurs signes distinctifs, les street-médics et aidants ont tendance à être plus ciblés par la police, tant au niveau des violences qu’au niveau légal : restez vigilant et gardez conscience des risques encourus. En revanche et même si c’est très rare, il peut arriver que certains flics soient plus conciliants dans les barrages filtrants. Restez opportuniste.
Les premiers secours d’après la loi
Si dans la théorie, les manifestant-es s’exposent à des poursuites pour exercice illégal de la médecine, dans les faits les potentiels premiers-secours apportés n’en font pas partie. En revanche, évitez les gestes médicaux comme des points de suture, une prise de sang ou bien une trachéotomie, quand bien même vous sauriez le faire.
La question des diplômes
Si possédez un diplôme comme le PSE1/PSE2 ou soignant-e de métier, vous êtes d’autant plus tenu légalement d’assister toute personne blessée que vous pourriez rencontrer. C’est à prendre en compte si votre pratique du soin en manifestation est orientée politiquement. Dans la pratique néanmoins, il n’y a jamais eu de poursuites en ce sens.
La victime
N’oubliez pas non plus que ces soins s’appliquent sur une personne, et qu’il faut donc prendre en compte son consentement non seulement pour les soins mais également pour un éventuel transfert en soin hospitalier. Si la personne est consciente, il est nécessaire d’annoncer verbalement quels actes vous allez effectuer sur elle ainsi que pourquoi vous êtes là. Tout le monde ne connait pas l’existence des street-médics et il vous faudra peut-être rapidement expliquer ce en quoi cela consiste.
Dans le cas d’une personne aveuglée par des gaz lacrymogènes par exemple : « Bonjour, je suis street-médic, vous voulez que je vous mette du sérum phy dans les yeux ? », signaler calmement votre présence pour signifier que vous n’êtes pas un flics qui s’apprête à l’embarquer.
Dans ce genre de situations, il n’est parfois pas possible de passer par une confirmation verbale du consentement de la personne, toutefois, veillez précautionneusement à son attitude : une personne paniquée par la situation sera éventuellement rassurée par le dialogue que vous établirez avec elle. Pensez également au fait que tout le monde ne peut pas communiquer verbalement : des personnes en état de choc ou de panique pourront avoir du mal à s’exprimer. Vous pouvez également avoir affaire à des personnes sourdes et malentendantes ou des personnes parlant une langue étrangère. Une personne peut également exprimer son inconfort en se débattant, en criant, en pleurant, en se figeant, il s’agit alors d’identifier la cause de cet état, qui n’est pas forcément uniquement dû à la blessure.
Se préparer psychologiquement
Pensez à vous choisir un binôme : cela augmente les chances d’avoir un contact dans le cas d’une garde à vue, d’une blessure ou autre, et inversement. Même si votre groupe est plus large, décidez collectivement de binômes et trinômes.
Il est important de se préparer avant une manifestation : réfléchissez en amont à vos envies, vos besoins et vos limites, et partagez-les avec votre binôme et votre groupe. Cela concerne aussi bien votre position dans la manif, les actions ainsi que les prises en charge qui vous gênent.
Indiquez également votre contact d’urgence et transmettez vos garanties de représentation. Si vous ne savez pas ce que c’est, vous pouvez trouver des conseils légaux dans la partie “Ressources”.
Enfin, pensez à vous nourrir et vous hydrater : votre état physique affectera votre mental.
Pendant la manif
La pratique street-médics ne s’arrête pas (ni ne commence) aux manifestations : elle s’applique dans tous les contextes dans lesquels les institutions médical ne veulent/peuvent pas intervenir, ou ne sont pas bienvenues. Néanmoins par souci de simplicité, cette brochure ne traite que de ce cadre précis : mais beaucoup de compétences sont transférables.
Posture face aux forces de l’ordre
Par nature les street-médics sont mal perçuxs par les forces de l’ordre : il s’agit d’apporter des premiers secours à des personnes qui ont été blessées dans un contexte où les secours ont du mal à accéder du fait du dispositif de la police, voire blessés par la police elle-même. De fait, celle-ci tendra à être hostile envers vous et vos camarades.
Il est donc conseillé de se renseigner sur la zone afin de pouvoir éviter les contrôles, les saisies de matériel ou même les interpellations pouvant mener à de la répression et/ou du fichage.
Oui, on sait, c’est acab-lant.
“Médics !”
Ça y est, vous entendez crier médic. La première chose est de ne pas paniquer. Il s’agit ensuite d’identifier la direction : les gens peuvent crier “médics ! ” parce qu’ils l’ont entendu crier ce qui mène à un effet boule de neige, mais certaines personnes pensent à pointer du doigt la direction.
Si y a déjà des médics
Il est possible qu’il y ait déjà des médics sur place en train de gérer la victime : n’hésitez pas à proposer votre aide, mais surtout sans insister. Vous pouvez établir un périmètre de protection afin de leur offrir un espace dégagé et sécurisé, et vous occuper des journalistes et photographes autour en protégeant la vie privée de la victime et des médics. Si le besoin s’en fait sentir, que les médics en charge le propose et que la victime est d’accord, vous pouvez vous occuper de l’appel aux secours, et préparer les informations essentielles (adresse, age approximatif, un nom, état médical).
Faites attention à ne pas trop vous entasser : un “paté”de médics peut mener à des frictions et des accrocs organisationnels. N’hésitez pas à reprendre le cours de la manifestation s’il y a déjà assez d’aide.
Faites également attention aux dynamiques de pouvoir qui peuvent s’installer : il n’est pas rare que des personnes ayant un passing “fem” aient du mal à se faire entendre auprès d’hommes.
Si votre équipe fait la prise en charge
Le consentement
Le consentement en soin comme dans tout autre domaine de la vie est primordial! Il vous arrivera des fois de rencontrer des personnes qui ne souhaitent pas être touchées et/ou prises en charge (par vous, ou globalement par des medics). Ca sera alors à vous d’orienter au mieux la personne sur les gestes qu’elle devrait idéalement faire (évacuer la manif, voir un médecin/ les urgences, garder des proches avec elle)
▶ Premiers gestes
Il existe divers protocoles pour prendre connaissance de l’état de santé de la victime afin d’évaluer l’urgence de la prise en charge.
Un exemple de protocole simple serait l’ABC :
- « L’ (apostropher la victime) » : vérifier l’état de conscience de la victime, en lui demander si elle vous entend ou si elle réagit aux stimulis (vous pouvez en profiter pour vous présenter et informer la victime de votre présence si elle est consciente) ;
- « Air » : vérifier que la personne respire en écoutant près de sa bouche et en vérifiant que son torse se soulève ;
- « Blessure » : vérifier que la personne ne saigne pas abondamment ;
- « Circulation » : vérifier que le sang circule en prenant son pouls.
Cette méthode présente à elle seule plusieurs avantages et inconvénients, ainsi que diverses variantes. L’important est donc de bien connaitre le contexte des manifestations afin de pouvoir en déduire la meilleure marche à suivre.
De manière générale, ces « méthodes » tiennent plus du moyen mnémothechnique que de la procédure fixée. Par exemple le « ABC » sert à se rappeler que la gestion des voies aériennes est prioritaire sur la gestion d’une hémorragie (sauf si vraiment abondante) puisque la respiration est en amont du système cardiovasculaire dans le transport de l’oxygène.
▶ Malaise/Insolation
Le malaise se caractérise par une perte de connaissance temporaire sans perte de circulation ou respiration. il existe quelques bons gestes à appliquer:
Tout d’abord si la victime est inconsciente à votre arrivée verifiez avec les éventuels témoins la durée de la perte de connaisssance et les conditions de la chute et placez la victime en PLS. Si cette perte de connaissance est trop longue il faudra alors faire évacuer la victime par les secours.
Si la victime est consciente, faites la s’allonger confortablement ou s’asseoir en cas de gêne respiratoire. Maintenez la parole en lui demandant les symptômes avant coureurs, si elle s’est alimentée ou a consommé des substances, ainsi que la fréquence éventuelle des malaises et l’existence d’un potentiel traitement. Si le malaise perdure ou que la victime perd connaissance il faudra alors songer à une évacuation par les secours.
Dans les deux cas, protéger la personne des intempéries et des températures à l’aide d’une couverture de survie et/ou de parapluies est essentiel.
L’insolation est l’une des causes les plus fréquentes de malaise en manifestation surtout à l’approche de l’été. La méthodologie ne change pas mais préparez-vous à avoir plus d’interventions de ce type. Un des symptômes possibles le plus marquant de l’insolation est une possible perte et reprise de conscience répétée et peu espacée dans le temps. Réhydratez et mettez la personne au frais.
▶ Lacrymo
Un cas de figure assez courant en manif, au point où de plus en plus de personnes distribuent du sérum phy. Néanmoins, il arrive parfois qu’il y ait beaucoup de personnes à « décontaminer », certaines dans un état plus sérieux. À l’aide de votre stock de sérum phy et votre spray de maalox dilué (typiquement une dosette pour 1L, risque de sensation de brûlure au delà), vous pouvez dérouler une procédure rodée, comme celle-ci par exemple :
« Bonjour, maalox ? Sérum Phy ? C’est pour calmer les gaz. Vas-y, ferme les yeux, je vais te pshiter du maalox sur le visage… Ouvre la bouche, maalox encore, pense à recracher. Tiens du sérum phy pour les yeux : tu as besoin d’aide pour le mettre ou tu es autonome ? »
Parfois les personnes peuvent avoir reçu un coup de gazeuse, qui se présente sous la forme d’un gel et qui est beaucoup plus fort. Il faut alors délicatement enlever celui-ci avec des lingettes pour bébé (par exemple), en frottant le moins possible, et en utilisant chaque zone des lingettes une seule fois. Ne surtout pas passer d’eau, cela aura pour effet de dissoudre les cristaux de CS et d’activer encore plus le produit.
Dans le cas assez courant où la personne est en état de panique, Il est important d’établir et de maintenir un contact verbal. Si la personne ne semble pas pouvoir discerner son environnement, établissez un contact physique, sans la brusquer. Signifiez-lui votre aide, et invitez la à vous suivre hors de danger en lui proposant votre main sous la sienne. Rappelez-lui régulièrement que la situation est temporaire, que ça sera fini dans quelques minutes, et qu’elle est en sécurité.
▶ “Bobologie”
Certaines blessures en manif sont de fait bénines ne nécessite pas de connaissance ou gestion particulière. La bobologie c’est nettoyer/désinfecter une petite coupure, mettre un pansement et reprendre la manif comme si de rien n’était.
▶ Traumato
La Traumatologie c’est la version un peu plus complexe de la bobologie. Ici, un simple pansement ne suffit pas et il faut regarder d’un peu plus près.
Les blessures peuvent se catégoriser de différentes manières: contusion, écoulement de sang important, brûlure.
Contusion (« bleu » ou bosse)
Elle va normalement se résorber seule au bout de quelques jours mais sur place vous pouvez aider la désinflammation en appliquant du froid (poche de froid ou bombe à travers une compresse). Dans les conseils à donner à la victime: éviter de trop mettre de poids sur l’articulation ou le membre touché, du paracétamol et du repos ! En cas de perte de sensibilité ou de mobilité, aller aux urgence.
Si la contusion est au niveau du crâne ou des poumons, si la zone devient rouge, chaude et douloureuse, si le mouvement devient difficile, ou si la situation ne s’est pas améliorée après 48-72h, consulter un médecin!
Écoulement de sang
S’il existe un écoulement de sang, il conviendra de faire un point de compression à l’aide d’une compresse (pensez bien à mettre des gants pour éviter tout risque de contamination pour vous ou lae blesséx).
Si l’écoulement s’arrête, vous pourrez alors faire un pansement compressif à l’aide d’une compresse neuve et d’une bande.
Si l’écoulement persiste ou est trop important, l’appel au 112 devient nécessaire.
Brûlure
Il existe plusieurs degré de brûlures qui nécessitent des interventions différentes :
– Le premier degré, une « simple rougeur ». Refroidissement de la brûlure à l’eau froide par ruissèlement abondant (verser plus haut sur le membre et pas directement sur la brûlure)
– Le deuxième degré, peau décollée (cloques, apparence linge mouillé). Refroidissement de la zone par ruissèlement abondant, application d’un tulle gras et d’un pansement et consultation médicale. Ne PAS retirer les vêtements qui adhèrent.
– Le troisième degré (ou deuxième degré profond), peau chamois, blanche, cartonnée et dure. Refroidissement par ruissèlement abondant, appel aux numéros d’urgence.
En cas de brûlure indolore (perte de sensibilité), appel immédiat aux secours
▶ Angoisse
Les manifestations peuvent engendrer des crises d’angoisse chez les participantxs lors des gazages, charges, …
Il n’y a pas de méthode universelle pour calmer quelqu’unx qui fait une crise. Chaque personne est différente, et chaque crise de panique l’est aussi : gardez en tête que ce qui peut-être une méthode miracle pour vous peut être le cauchemar d’autres personnes.
Si des proches de la personne sont présentxs n’hésitez pas à les solliciter savoir s’iels ont des protocoles mis en place ou non.
Le toucher peut être un facteur aggravant chez bon nombre de victimes de crise d’angoisse, rappelez vous de bien vérifier le consentement de la victime avant de faire quoique ce soit.
Souvent la seule action que vous pourrez entreprendre est d’être présentxs, ne vous culpabilisez pas de n’avoir « rien fait ».
▶ Appel d’Urgence
Dans certaines situations (urgence vitale ou impossibilité pour la victime de s’exfiltrer de manière autonome de la manifestation), la personne ne pourra pas être prise en charge sur place et il pourra être nécessaire de faire appel aux urgences, le 112. (ou 114 si vous êtes sourdx ou malentendantx)
L’appel aux urgences bien que très impressionnant ne demande au final que très peu de connaissances. Il faut en revanche être direct :
– Identification « je suis secouriste volontaire dans une manifestation et je suis avec une personne qui a … » (souvent si vous avez une formation diplômante de secouriste ça les détend)
– Adresse précise et moyen d’accès : cela permettra à l’ambulance de commencer à se déplacer pendant que vous finissez le bilan
– Nature de l’accident : victime présentant tels symptômes, état de conscience/respiration/pouls
– Gestes déjà effectués par la personne faisant la prise en charge
– S’il y a plusieurs victimes nécessitant leur intervention n’hésitez pas à regrouper les appels!
– Ne raccrochez jamais en premier, attendez les instructions
L’après
En plus des risques physique et chimique évidents, il existe un risque psychologique à ne pas sous-évaluer.
Plusieurs étapes se présentent à vous après la manifestation, le defusing et le debriefing.
Le defusing, qui doit se faire dans les 24 heures après l’action, permet grâce à des activités doudous (se poser avec des amixs, manger des bonbons, rire) de désamorcer d’éventuels traumatismes que la manifestation aurait pu créer.
Cette technique permet à la personne de raccrocher les événements à son histoire et d’éviter de laisser les événements devenir des traumas en les ignorant.
Le debriefing a lieu assez rapidement après l’action, dans les 2 à 10 jours idéalement. Cette méthode permet de récréer un commun, une chronologie partagée qui permet à plusieurs d’absorber le choc que nous avons subi individuellement.
Cette mise en commun permet au groupe de partager les impacts et d’ainsi réduire leurs éventuels effets mais aussi de formuler à plusieurs les sentiments d’échec, culpabilité ou impuissance et d’envisager le futur, la suite.
Si il vous est possible de bénéficier d’un suivi psychologique professionel, en fonction de votre degré de confiance envers votre thérapeute, il peut-être intéressant de lui parler de potentiels symptomes de stress : idées noires, ressassement, impossibilité de se concentrer. Des solutions existent.
Ces protocoles simples mais complets sont trouvables sur des brochures (voir ressources)
Ressources
Conseils généraux de manifestation
Vous pourrez trouver plus d’informations ainsi que des pistes pour approfondir sur le site du collectif : medicaction.org
Conseils légaux
- « Documentation utile » sur Défense Collective https://defensecollective.noblogs.org/post/category/documentation-utile/
- Manuel de survie en garde à vue https://infokiosques.net/lire.php?id_article=1582
Les forces de l’ordre
- Désarmons-les https://desarmons.net/ressources/
- Flagrant déni https://www.flagrant-deni.fr/
Street/Riot médic : pour aller plus loin
- [EN] Street Medic Handbook for Occupy Chicago (2012) https://www.paperrevolution.org/wp-content/uploads/2018/03/Street-Medic-Handbook-Occupy-Chicago-2012.pdf
- [EN] Riot Medicine https://mutualaiddisasterrelief.org/wp-content/uploads/2020/06/riot-medicine.pdf
Gestion psy
- Les soins post manif (Médic’Action) https://medicaction.org/2017/10/30/archive-le-front-autodefense-de-medic-action-presente-les-soins-post-manif/
- L’intervention psychologique immédiate et post-immédiate de P. Lhuillier http://www.eveil-formation.com/spip.php?article57
le collectif
Médic’Action est un collectif street-medic queer d’aspiration libertaire, créé en 2017 et basé à Lyon (69) : on agit dans les manifs et auprès des populations précaires. Il a été fondé après la loi travail par des médics indépendant-es et manifestant-es. En plus d’agir sur le terrain, on a vocation à sensibiliser et former les personnes sur les soins dans des contextes à risque pour permettre leur autonomie.
site web : medicaction.org
insta : instagram.com/medic.action/
fb : facebook.com/MedicActionLyon
twitter : twitter.com/medicaction
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