Relevage et brancardage
Contents
- Avertissements généraux
- Qu’est ce qu’être « Street-médic »
- Devenir street-medic
- Cadre légal des street-médics
- Le consentement
- S’équiper
- Les équipements de soins
- Se former
- S’organiser
- Communiquer
- Gérer une foule
- Prise en charge d’une personne blessée
- Faire un bilan
- Relevage et brancardage
- Soigner
- Premiers-secours psy
- Conseils préliminaires
- Conseils légaux
- Les protections
- Les flics
- Les armes des flics
- Se placer et se déplacer
- Les lacrymogènes
- Gérer les « lacrymos »
- Gérer le risque post-lacrymo
- Gérer le risque post-blessure
- Gérer le risque post-psychologique
- Gérer le risque post-acouphène
- Faire une auto-formation
- Aller au delà
Parfois il faut déplacer une personne blessée, soit pour la mettre à l’abri d’une menace (on parle alors de Dégagement d’urgence), soit simplement l’emmener à un endroit où elle pourra être prise en charge correctement. Pleins de techniques de portage existent, dépendant du matériel (prévu pour ou non) à votre disposition, de l’état de la personne blessée, du nombre de personnes disponibles pour aider. On parle alors de relevage ou de portage.
La plupart des techniques développées ici ne s’appliquent pas lors d’un “trauma du rachis”, c’est à dire quand il y a suspicions que la colonne vertébrale est atteinte. Celles qui le sont sont de l’ordre du dernier recours.
On parle néanmoins ici de premiers secours en situation dégradée : si il est généralement déconseillé de déplacer une personne blessée sérieusement, la situation ne permet parfois pas d’attendre sur place. Ce choix, c’est à vous (avec l’aval de la personne blessée si possible) de le faire.
Le terme “portage” est parfois utilisé (y compris par nous) comme équivalent de “relevage”, c’est à dire ayant trait à tout ce qui permet de déplacer une personne blessée. Ici, on fait le choix d’employer “portage” pour parler de techniques de relevage avec pas ou peu de matos, et “brancardage” si vous avez le matos adéquat comme un plan dur ou un brancard souple.
On fera l’impasse sur les techniques évidentes comme les bras sur les épaules de deux personnes, mais elles restent applicables : attention néanmoins aux risques de sur-accident si la personne est semi-consciente par exemple.
Porter une charge lourde
D’une manière ou d’une autre, porter une personne implique de porter une charge conséquente, qui selon le nombre de porteurxs varie entre une dizaine de kilos et le poids entier d’une personne.
Ces techniques sont faites pour permettre de porter ces charge malgré votre force physique éventuelle en répartissant le poids. Mais si votre posture n’est pas bonne, il est facile de se faire mal, par un faux mouvement ou simplement par usure. Pour éviter ça, il est nécessaire de savoir correctement porter une charge lourde. Ces techniques sont issues du monde du travail (BTP, usine, audiovisuel) et ont fait leur preuve. Elles sont absolument essentielles.
La première étape est la préparation : le meilleur moyen d’éviter de se faire mal est d’éviter de porter pour rien. Réfléchissez à votre placement et aux mouvements (« bras gauche, je tourne sur moi, je… Ah merde je vais croiser ») que vous allez faire, et coordonnez-vous avec les autres pour ne pas porter trop tôt ou trop tard. Anticipez le transfert de poids éventuel. Le plus possible, placez-vous en direction de la personne, pour éviter de tordre votre dos lors du portage.
Ensuite, le levage et le portage : gardez le dos droit : si vous devez vous penchez, pivotez autour de votre bassin. Si vous devez vous baissez, pliez les genoux.
Enfin, anticipez votre force : si vous commencez un portage que vous ne pouvez pas assumer, vous risquez de faire tomber la victime. On a déjà trop vu de medics mascus qui font les forts puis créent un sur-accident en blessant la personne en la lâchant.
Le trépied
Une posture qui revient régulièrement est celle du trépied. Elle consiste à se mettre accroupis, le pied près de la charge, et l’autre jambe genoux à terre ouvert vers l’extérieur. Cela permet d’avoir le plus de force possible lors des levages ou portage. Ça paraît bête, mais prendre l’habitude de le faire, d’autant plus en situation stressante, c’est pas anodin.
Manipulations
L’ensemble des techniques présentées ici partent d’une personne allongée sur le dos. Même lorsqu’il n’y a pas de suspicions de trauma à la colonne, il est important de faire gaffe à ne pas créer de sur-accident. Divers techniques existent pour « manipuler » la personne en limitant les risques de la blesser d’autant plus, pour pouvoir arriver sur un point de départ correct pour le portage ou le relevage.
Redressage
Parfois une personne est pas ou peu blessée, et nécessite juste d’être remise sur pied dans la panique. Placez votre pieds sur ses pieds pour l’empêcher de glisser, demandez lui de vous tendre le bras, attrapez son avant bras avec votre main en croisant (attrapez son gauche avec votre droit ou vice versa), elle fera de même, et tirez pour la redresser.
Superman
Cette technique permet de remettre une personne sur le ventre en position allongée sur le dos.
Pour rappel, dans le cas d’une suspicion d’un trauma de la colonne, on ne bouge pas la personne dans la mesure du possible. Cette technique réduit néanmoins les risques en cas de besoin.
Ramener les membres le long du corps, puis se placer d’un côté de la personne à 1 ou 2. Remonter le bras de notre côté pour mettre la personne en « superman ». Mettre ses mains sur la tête et sur les hanches ; s’il y a une deuxième personne, elle mettra ses mains au niveau des côtes. On retourne alors la personne doucement en accompagnant.
Maintien tête
Dans le cas d’une suspicion de blessure au « rachis » (la colonne, plus ou moins), on procédera à un maintien tête durant les phases d’attentes, ainsi que lors des transitions lors des relevages. Le but est de maintenir l’axe tête-cou-tronc et ne pas le bouger : pour cela, se mettre au niveau de la tête de la personne blessée dans l’axe et se baisse, afin de pouvoir surveiller visuellement que tout est aligné. Placer ses main sur le dessous de la tête, deux doigts sous le cou, deux doigts longeant la mâchoire et les pouces vers les oreilles. Généralement, c’est cette personne qui guide les autres, car elle a la vision sur l’axe tête-cou-tronc.
Le maintien tête est généralement fait même sans suspicion de trauma au rachis de manière plus lâche quand la personne est inconsciente, afin d’éviter de la blesser.
Portages
Technique de portage à zéro personnes
À trop penser “relevage”, on oublie parfois qu’une personne blessée peut parfois (souvent même) se déplacer d’elle-même. Si elle ne nécessite pas de surveillance particulière, ou si des proches peuvent la surveiller il est possible d’utiliser l’arcane secrète du relevage à zéro connue sous le nom du “eh-ben-courage-bonne-journée-au-revoir”
Techniques de portage à une personne
Le contexte dans lequel vous agissez, ainsi que les modes de fonctionnement en équipe sont sensés garantir que vous ne vous trouviez jamais seulxs face à une victime. Mais parce qu’il s’agit d’un environnement très imprévisible, il est bon de savoir comment déplacer une personne seulx, même si il est souhaitable d’éviter à tout prix de devoir le faire, quitte à temporiser 30 secondes de plus le temps que quelqu’un arrive pour aider.
Saisie par les poignets/traction sous les aisselles
Personne semi ou inconsciente, distance courte, risque moyen-faible
Le principe de cette technique est simple, mais l’application demande un peu de pratique. Elle consiste à se placer en “trépied” (c’est à dire un genoux à terre, contre la personne blessée). Mettre la main la plus éloignée sous l’épaule de la victime, l’autre main sous sa nuque, et la redresser. On pivote le genou pas à terre derrière son dos pour la maintenir. On se place accroupi derrière elle, on pose ses deux bras sur son torse, et en passant nos mains sous ses aisselles on vient attraper le poignet droit avec la main gauche et inversement. On plaque bien la personne contre nous et on se redresse en faisant attention à notre dos, et on peut déplacer la personne. Faire la manœuvre inverse pour la reposer.
Techniques de portage à deux personnes
Chaise croisée
Personne consciente ou semi-consciente, distance : moyenne, risque faible
Placez vous de part et d’autre de la personne en trépied au sol, assise. Passez ses bras sur vos épaules, et levez là (ou si c’est possible, faites la simplement asseoir depuis la position verticale). Attrapez votre propre poignet, et attrapez ensuite le poignet de l’autre porteurx, afin de former un carré sous les fesses de la personne, qui se retrouve assise sur cette construction.
Chaise droite
Personne semi ou inconsciente, distance : longue, risque moyen
Placez-vous de chaque côté de la personne, en trépied. Passez les bras de la personne au sol derrière vos épaules respectives. Attrapez vos bras respectifs sous la personne, d’une part sous les genoux, et d’autre part au bas du dos. Attention, si vous ne placez pas correctement les bras en bas du dos, la personne risque de s’affaisser. Levez la personne.
Point de vigilance : si la personne est vraiment inconsciente, ne laissez pas sa tête se balader.
Techniques de portage à trois personnes
Chaise + maintien tête
Personne semi ou inconsciente, distance : longue, risque : faible
Même technique que les chaises (droite ou croisée), mais avec une troisième personne en charge de tenir la tête. On peut alors déplacer sans risque une personne inconsciente.
Techniques de portage à 4, 5, 6…
Brancardage manuel hamoc
Personne semi ou inconsciente, distance : longue, risque : moyen
On se place en quinconce le long de la personne, on glisse ses bras en dessous en « croisant » avec la personne en face, et enfin une personne se met au maintien tête.
Transferts
Il peut arriver que la personne doive être transférée vers, depuis, ou entre des brancards. Il existe plusieurs méthodes pour faire ce transfert.
Transfert vers ou depuis un souple
Dans le cas d’un transfert vers un brancard souple : on plie le brancard au tier sur sa longueur. Les medics font alors pivoter la victime en maintenant l’axe tête-cou tronc, le brancard est poussé sous la victime. Enfin, la personne est pivotée dans l’autre sens, et le pli du brancard déplié. La personne peut être reposée.
Pont simple
Dans le cas d’un transfert vers, depuis ou entre brancards en « dur », on appliquera la technique du pont simple : Trois porteurxs situés aux pieds, aux hanches et à la tête/épaule soulèvent la personne, tandis qu’une quatrième personne va glisser un brancard entre les pieds qui sont suffisamment écartés pour la manœuvre
Pont hollandais
Alternativement, on posera le brancard à côté de la victime, deux porteurx aux extrémités, læ troisième au milieu le pied par dessus le brancard, et on transférera la personne sur le côté
Brancardages
Selon les cas de figure, vous risquez de rencontrer différents types de brancards. Savoir les reconnaître et les manipuler, incluant ceux des équipes institutionnels au cas où vous vous retrouveriez aidantx est essentiel.
À noter pour éviter les ambiguïtés : il existe deux écoles de brancardage : à la française (tête en avant) et à la belge (tête en arrière). Sans surprise, c’est la première qui prime en france, mais les deux techniques ont leurs avantages et inconvénients. Hors france, attendez-vous à rencontrer du brancardage à la belge.
les types de brancards
Il y a une foultitude de brancards : pour vous faire un topo rapide, voici les brancards que vous allez sans doute rencontrer :
- le « souple » : une espèce de bâche avec des poignées, pliable. Très courant en manif
- le « plan dur » : une planche (généralement orange), avec des poignées sur le côté. Peut permettre d’immobiliser complètement une personne en cas de trauma au rachis, mais peu utilisée tel quel par les street-medics hors zones rurales.
- « cuillère » : présent dans les véhicules de secours (type VSAV des pompiers), un brancard qui se sépare en deux au milieu pour permettre de « ramasser » une personne et la transférer
- sangle d’extraction : pas un brancard à proprement parler, mais parfois utilisé en dégagement d’urgence. Une sangle avec des attaches et plusieurs modes d’utilisation pour trainer une personne blessée.
Brancard improvisé
Un outil utile à avoir dans son sac est une sangle basique (à cliquet, 4cm de largeur environ). En la fermant en boucle, et en croisant cette boucle plusieurs fois, on peut transformer une banderole ou tout autre bâche en brancard souple. Au besoin, elle peut aussi servir de sangle d’extraction.
Si vous avez accès par hasards à une chaise (littéralement) peut permettre de facilement transporter une personne semi-consciente sur de longues distances : une personne tient le dossier, une autre les deux pieds de devant.
Enfin technique de scouts : deux bâtons (ou toute barre assez longue), glissées dans deux ou trois t-shirts ou veste fermée pour former un brancard. C’est tout con mais faut y penser.
Guider un brancardage
Brancarder est plus subtile que « soulever à plein et marcher ». Cela nécessite une certaine coordination.
Commencer par se placer autour du brancard, entre 4 et 6 personnes. On avancera avec la tête de la personne vers l’avant, aussi appelé « brancardage à la française ». Brancarder les pieds d’abord (ou « à la belge ») est plus courant hors de france mais c’est le pire moment pour avoir un débat, donc on s’alignera sur les habitudes.
Tout le monde se met en trépied. Une des personnes à l’arrière sera en coordination. Oui, notre collectif est anarchiste, mais encore une fois ce moment n’est pas idéal pour avoir fonctionnement en AG et sous-commission, donc une personne dirige. Elle commence par demander : « Équipierxs êtes vous prêtxs ? », auquel tout le monde répond « prêtx ». Elle annonce ensuite « Prêtxs à soulever… Soulevez ! ». Toutes les actions majeures seront faites de la sorte.
Si vous avez assez de bras, des personnes peuvent être prêtes à prendre la suite, dès que quelqu’un demande « relai ! ».
Brancarder avec une aide extérieur
Idéalement, toutes les personnes qui vous aide à brancarder sont formées pour. Dans les faits, vous allez souvent devoir requérir l’aide de personnes autours, qui ne sont pas au fait des méthodes de brancardage. Préparez-vous un petit speech en quelques secondes pour expliquer les bases, comme « bon, je dirige, à chaque fois j’annoncerai comme prêtxs à soulever… soulevez ! si vous avez besoin d’un relai faites pas les mascus, demandez en disant relai ». Généralement, la situation est suffisamment sérieuse pour que personne ne questionne trop ce fonctionnement.
Arcanes noires
Les techniques qui suivent ne sont pas réellement interdites, mais elles posent plusieurs problèmes. :
- elles ne devraient jamais vous être nécessaires (par exemple, vous devriez en théorie jamais être seulxs)
- elles attisent les envies des mascus qui rêvent de briller devant les caméras et forcent des occasions de les appliquer
- elles présentent de gros risques de sur-accident et doivent n’être appliquées qu’en cas d’extrême nécessité extrême
Traction par les chevilles
Personne semi ou inconsciente, distance : courte, risque assez élevé
Technique de dégagement d’urgence. Le principe est assez explicite, mais le contexte est à préciser : il s’agit d’un dégagement d’urgence assez dangereux, et qui risque de blesser la personne notamment si le sol est inégal (du fait de la tête qui traîne). À n’utiliser que si vous n’avez pas le choix.
Cette technique est risquée.
Traction par les poignets
Personne semi ou inconsciente, distance : courte, risque : assez-élevé
Technique de dégagement d’urgence. Même chose que pour les chevilles.
Cette technique est risquée.
Traction par une cheville
Personne semi ou inconsciente, distance : courte, risque : élevé
Technique de dégagement d’urgence. Encore une fois explicite, à un détail près. La cheville doit être dans la mesure du possible celle de droite, car dans l’alignement du cœur en diagonale.
Cette technique est risquée.
Porter pompier
Personne semi ou inconsciente, distance : moyenne, risque : élevé. Pouvoir mascu : 1000
Plus qu’une technique de portage, il s’agit d’une technique pour arriver à ce portage et ce même lorsque l’on a pas beaucoup de force. Elle permet de déplacer très rapidement une personne en limitant le risque de sur-accident (hors blessure colonne), à l’exception de la manœuvre de mise en portage qui mal exécutée peut provoquer des incidents.
De son l’aura (le porter “pompier”, ce grand héro qui sort un orphelin d’un immeuble en feu), on voit régulièrement des mascus appliquer cette techniques alors qu’elle n’est ni nécessaire, ni souhaitable. Si vous voyez une personne blessée en porter pompier qui, par exemple, tient d’elle même ses affaires dans sa main libre, il y a fort à parier que le medic fait juste le beau devant les caméras.
Cette technique est donc risquée.
On l’explique généralement en formation, car le mouvement est très visuel.
Notes et références
Relevage d’une victime en position particulière (https://www.youtube.com/watch?v=Q58V3ktFtTM) par la Protection Civile sur Youtube
SUAP : Dégagements d’urgence (https://jsp-lyonrochat.com/wp-content/uploads/2019/08/PS-A1_D%C3%A9gagement-durgence.pdf), sur les site des JSP de Lyon Rochat
LIFT AND CARRIES (https://www.cert-la.com/downloads/liftcarry/Liftcarry.pdf), Boy Scouts of America