Gérer une foule

Gérer une foule

Un groupe de personne tend à agir indépendamment des membres qui le constitue : c’est donc une potentielle source de d’imprévus. Savoir la canaliser peut permettre de non seulement éviter un (sur)accident, mais également de permettre de construire une meilleure réaction collective.

La foule face à l’urgence

L’effet du témoin (« bystander effect » en anglais) désigne la difficulté qu’ont les personnes à réagir dans une situation d’urgence pour aider une personne en détresse du fait de la foule autour, qui provoque une dilution de la responsabilité.

Dans les faits, la réaction dépendra selon les individus. Mais dans l’ensemble, les personnes seront soit calmes soit agitées, soit « fonctionnelles » soit « dysfonctionnelles », et leur comportement peut varier avec l’évolution de la situation (apparition de sang, mouvement de foule, explosion, etc). En partant de ça, on peut établir différents cas de figure :

énergie / étatfonctionneldysfonctionnelle
calmeAide
Peut vous aider à canaliser la foule, éventuellement assister lors de la prise en charge d’une foule ou d’une personne blessée ou d’une personne tétanisée
Tétanisée
Risque de s’exposer inutilement en n’évitant pas un éventuel danger : il faut donc au mieux la faire sortir de sa léthargie (idéalement avec l’aide d’une personne qui la connaît), au pire la faire s’éloigner de la zone le plus rapidement possible
agitéePapillon
Peut vous aider mais risque de perturber votre intervention ou de rendre la foule encore plus volatile : pour lui permettre de se rendre utile et de se canaliser, lui proposer de prendre en charge des tâches telles que l’obtention du nom de la rue pour un éventuel appel d’urgence, la recherche d’un défibrillateur dans les magasins alentours, etc.
En panique
Nécessite une assistance par des personnes calmes et expérimentée face à ce genre de situation et des proches

Le principe de délégation permet aux gens autour de vous de se sentir utile et donc de moins se laisser emporter par la panique, et vous permet de vous concentrer sur votre éventuelle intervention. Ce conseil est d’ailleurs applicable à l’échelle d’un groupe : n’hésitez pas à appeler à la formation d’un périmètre de sécurité même s’il n’est pas immédiatement utile, aussi bien pour vous assurer une zone dégagée et safe que pour canaliser la foule.

Demandez aux personnes qui semblent avoir été là et en bonne possession de leurs moyens (ou en les aidant à se calmer) de décrire se qui s’est passé pendant que vos camarades s’occupent de la personne blessée : si vous n’étiez pas sur place, vous verrez d’abord les conséquences avant les causes et savoir le déroulé des événements facilite le diagnostic. Vous pouvez aussi au besoin demander à des personnes de récupérer le nom des rues afin de pouvoir par la suite indiquer votre position aux secours.

Les journalistes

Lorsque qu’il y a des personnes blessées, certaines personnes vont chercher pour de plus ou moins bonnes raisons chercher à « documenter » ce qu’il se passe, notamment avec des caméras, allant du badaud avec son smartphone au journaliste de télévision. Malgré la panique ambiante, il est important d’assurer la sécurité, la vie privée et le consentement des personnes blessées, des medics et des personnes autours. Si des journalistes vous abordent de la bonne manière en vous demandant « je peux faire une photo ? » n’hésitez pas à leur demander d’attendre que la situation se calme un peu pour pouvoir juger à tête reposée. Ensuite, assurez-vous que les personnes potentiellement sur les images (vous, vos camarades, la personne blessées) sont toutes consentantes, et faites attention à ne pas laisser prendre des éléments distinctifs (visages, tatouages, bijoux personnalisés, etc). Rappelez-vous que la personne blessée est possiblement secouée et donc pas en état de juger des implications sur le moment : c’est votre rôle d’assurer sa sécurité et donc de potentiellement porter le rôle de relou qui refuse les photos du fait du manque de réponse claire de la personne blessée.

Certainxs journalistes sont plus désobligeants et vont simplement se jeter dans votre périmètre ou tenter de passer une caméra par dessus ou en dessous des personnes qui protègent autour. Vigilance particulière sur les smartphones qui sont potentiellement en train de diffuser en live et de créer des traces ineffaçables. Face aux injonctions de type « Mais il faut montrer ce qu’il se passe ! » ou encore « Et la liberté de la presse alors ??? J’ai ma carte hein », votre objectif est complexe : la désescalade. Rappelez-leurs calmement que la vie privée et la sécurité passe avant tout cela, et quand ça sera possible et avec l’autorisation de la personne blessée uniquement il sera peut-être possible de faire des images après. Si la situation escalade malgré vous, il vous faudra tenir un périmètre plus musclé, comme lors de n’importe quel autre danger immédiat. Si vous êtes en charge du périmètre et que vous vous sentez monter en pression, n’hésitez pas à demander un relai à quelqu’un.

Rappel du cadre du droit à l’image si vous êtes face à un as des lois sur le journalisme¹ :

  • « la circonstance qu’une personne intéressant l’actualité se trouve dans un lieu public, ne peut être interprétée comme une renonciation à se prévaloir du droit que chacun a sur son image, ni entraîner une présomption d’autorisation », CA Paris, 16 juin 1986 : D. 1987, Somm. p. 136. Comprendre, sous prétexte que l’attention se porte sur vous à cause des circonstances ne veut pas dire que tout le monde peut vous prendre en photo/vidéo comme il veut
  • Si la photographie d’une foule est autorisée, il n’es pas possible de prendre en photo des personnes en gros plan (la limite entre les deux est sujette à jurisprudence)
  • Ces conditions s’appliquent même si les personnes ne sont pas directement reconnaissables (par exemple si elles sont masquées)

Notes et références

[1] Droit à l’image : quelles sont les règles applicables ?, sur village-justice.com

The Science of Crowd Control sur la chaîne Wendover Productions, youtube

Fouloscopie, chaîne youtube du chercheur et Vulgarisateur Mehdi Moussaïd