Les protections
Contents
- Avertissements généraux
- Qu’est ce qu’être « Street-médic »
- Devenir street-medic
- Cadre légal des street-médics
- Le consentement
- S’équiper
- Les équipements de soins
- Se former
- S’organiser
- Communiquer
- Gérer une foule
- Prise en charge d’une personne blessée
- Faire un bilan
- Relevage et brancardage
- Soigner
- Premiers-secours psy
- Conseils préliminaires
- Conseils légaux
- Les protections
- Les flics
- Les armes des flics
- Se placer et se déplacer
- Les lacrymogènes
- Gérer les « lacrymos »
- Gérer le risque post-lacrymo
- Gérer le risque post-blessure
- Gérer le risque post-psychologique
- Gérer le risque post-acouphène
- Faire une auto-formation
- Aller au delà
Pour un résumé de cette partie, voir la fiche « Les protections«
Que ce soit à l’instant T au moment où la manifestation s’emballe ou de manière générale, il est préférable de protéger dans l’ordre : les yeux, les voies respiratoires, la tête et enfin le reste du corps. En effet, il est préférable de se retrouver dans les gaz lacrymogènes en train de cracher ses poumons mais en sachant par où sortir que l’inverse. Qui plus est, il est possible de gérer sa respiration (en limitant le nombre d’inspiration et leur volume, voire de se mettre en apnée) là où fermer les yeux ne vous protègera de toute façon pas contre les effets des gaz lacrymogènes.
La priorité reste ensuite à l’appréciation de chaque personne : une personne asthmatique pourrait préférer avant tout protéger sa respiration pour des raisons évidentes.
Il va de soi que porter des équipements de protection n’est pas très bien vu par la justice et la police. À leur yeux, cela implique d’une part une préméditation en vue d’actes illégaux, et d’autres part une volonté de dissimuler son visage. Si vous êtes clairement identifiéxs comme medic par un t-shirt blanc siglé, il est possible de jouer sur le fait d’être clairement identifiable pour prétendre nier le second. Néanmoins, il y a de fortes chances de se faire saisir son matériel en cas de contrôle et fouille, voire un risque d’interpellation.
Les Yeux
Il y a deux dangers contre lesquels il faut protéger ses yeux en manif. Premièrement, les gaz lacrymogènes : cela passe par des protections étanches. La solution de base sont les lunettes de piscine : en revanche, de part leur faible profil, il y a un fort risque d’énucléation en cas de choc fort, notamment par un LBD. Les lunettes de piscine sont donc à n’utiliser que dans des cas peu dangereux, par exemple si l’on est en abord d’une manifestation risquant de dégénérer et non dedans, ou à défaut de mieux.
Le second danger sont les chocs violents : coup de matraque, LBD, chute, etc. Il faut pour cela des protections solides : malheureusement les masques et lunettes de chantier renforcées sont bien souvent non étanches et donc ne protègent pas de base contre les lacrymogènes.
Afin de se protéger contre ces deux risques sans trop se ruiner, deux solutions existent :
- acheter des lunettes de chantier et boucher les trous avec du scotch ou du silicone, ce qui ne garantit pas une étanchéité parfaite mais assure une forte protection contre les coups. Ce genre de masque peut assez facilement se trouver en magasin : privilégiez des masques pas trop massifs (au risque de gêner le port d’un masque à gaz, et tout simplement par confort), avec peu d’aération et suffisamment solides. La solidité des protections individuelles de l’œil répondent à la norme EN166[1] : un masque portant le symbole « F » (résistance à une bille d’acier de 6mm de diamètre lancée à 45m/s) devrait suffire ;
- la seconde solution est d’acheter des masques de piscine ayant pour réputation d’être assez solide : à l’inverse des lunettes de chantier, la résistance aux chocs est moins garantie, mais cela se fait au profit de l’étanchéité. Des masques comme le « masque de natation active NABAIJI » ont déjà fait leur preuves contre des LBD[2]. Préférez des masques avec sangles réglables pour pouvoir les placer facilement sur un casque.
Si vous avez de quoi financer ou des moyens alternatifs d’y accéder, certaines lunettes de chantier offrent à la fois une étanchéité et une protection aux projectiles, à un coût plus important.
Pour ce qui est de la buée, il existe des produits à appliquer sur l’intérieur du masque pour réduire son apparition. Mais mettre quelques gouttes de savon et y frotter avec un linge fait tout autant le taff et devrait empêcher ou au moins limiter son apparition pour environ 8h.
Les voies respiratoires
Les voies aériennes sont donc la seconde priorité en terme de protection. De nombreuses solutions de dernier recours circulent en ligne (citron ou vinaigre sur une écharpe, etc), avec des résultats variables.
La première des protections comme déjà évoquée est tout simplement celle… de l’apnée. Il est préférable d’éviter une exposition prolongée aux gaz, d’une part car cela implique de se maintenir dans une zone à risque sans trop de raison, et d’autres part pour des raisons de santé à long terme. Ainsi, que ce soit pour traverser ou aller chercher une personne en difficulté, l’exposition à des gaz denses dure rarement plus de quelques dizaines de secondes : rester calme, respirer lentement voire être en apnée (en faisant attention à ce que ça ne provoque pas de d’état de panique) et prendre des inspirations faibles permet généralement de se sortir des gaz sans plus de difficulté et sans protections (et même avec, les protections n’étant jamais parfaites).
La protection précaire serait tout simplement une écharpe ou tout tissu pour couvrir sa bouche et son nez. Cela n’empêchera pas les gaz lacrymos de passer, mais cela peut couvrir face à un jet de gazeuse à main.
Une première protection digne de ce nom sont les masques de chantier jetables, achetables en magasin de bricolage, qui sont classés en trois catégories :
- les masques FPP1, qui filtrent 80% des aérosols, qui offrent une protection très limitée mais coûtent très peu cher (environ 18 euros les 10) ;
- les masques FFP2, qui filtrent 94% des aérosols, offrant une protection plutôt limitée (22 euros environ les 10);
- les masques FPP3, qui offrent une protection décente (10 à 15 euros les trois).
Le problème de ces masques est qu’ils sont jetables : il durent rarement plus d’une manif et perdent grandement de leur efficacité s’ils sont mouillés. Aussi, leurs attaches précaires font qu’il est souvent difficile de garantir une étanchéité, et tendent à facilement se casser. Il est conseillé d’avoir un ou deux masque FPP2 ou FPP3 sur soi en plus de son masque afin de pouvoir en mettre un à une personne en difficulté que l’on ne peut pas extraire immédiatement.
Enfin, les masques dits « à cartouche » offrent la meilleure protection passive contre les gaz pour un prix et un poids correct. Ces masques peuvent être des « demi-masques », ne couvrant que le nez et la bouche, ce qui permet de choisir ses protections occulaires, ou complets, offrant un meilleur champs de vision mais une moins bonne protection contre les chocs.
Ces masques sont équipés de filtres dotés de codes couleurs pour reconnaitre leurs fonctions, basés sur la directive 89/686/CEE [3]. Face aux gaz lacrymogènes, il est conseillé d’avoir des cartouches portant les codes et couleurs B (gris, gaz et vapeurs inorganiques) et E (jaune, Acides), voire idéalement —quoique plus cher— une cartouche ABEKx (filtre composite A+B+E+K, x étant la « force »)
Les « gaz » lacrymogènes sont néanmoins avant tout composés de particules : préférez donc des masques « Px » (1, 2 ou idéalement 3) ou des cartouches complètes ABEK+Px (parfois désignés comme ayant des « pré-filtres »)
La tête
Pour se protéger la tête, un simple casque suffit. Plusieurs choses sont à prendre en compte néanmoins dans le choix du casque : d’une part, le confort. Si le casque ne permet pas de le régler ou s’il ne disposent simplement pas de mousses pour amortir sur la tête, le porter pendant plusieurs heures peut devenir extrêmement inconfortable.
D’autre part, il est préférables d’éviter des casques à l’allure trop agressive : comme on le verra plus tard, l’aspect psychologique est très important dans la prise en charge des blessé-es, et une personne portant un casque à pointe inspire peu la confiance. La réaction des forces de l’ordre est également à prendre en compte. Dans la mesure où il s’agit de se protéger contre des chocs « limités » (relativement parlant) comme des coups de matraque, des tirs de LBD ou tout simplement des chutes, et non contre des armes à feu, il est préférable de privilégier des casques légers, comme des casques de vélo. Pour rappel, il est préférable de vérifier que le casque n’a pas déjà pris de choc pour assurer son efficacité. Que ce soit un casque militaire acheté en brocante ou un casque de vélo, le prix peut osciller entre rien à une vingtaine d’euros.
Les masques « complets »
Les masques complets sont des masques qui couvrent l’entièreté du visage, contrairement aux demi-masques qui ne couvrent que le nez et la bouche. S’il permettent de se passer de plusieurs équipements à la fois, ils présentent néanmoins de sérieux désavantages. D’une part le prix, plus important, surtout dans un contexte où le risque de saisie est fort. Aussi, ils sont plus laborieux à équiper, ce qui peut poser problème dans une situation tendue. Certains modèles possédant une vitre très large pour faciliter le champs de vision protègent de fait très mal contre les chocs voire empire ceux-ci de part les éclats de verre, bien que certains modèles disposent de vitres renforcées. Enfin, ces masques sont visuellement impressionnants (bien plus que les équipements précédemment évoqués) et peuvent donc gêner à la prise en charge psychologique d’une personne blessée.
Protections autres
Toute autre protection peut s’avérer, selon les cas de figure, être un facteur limitant la mobilité, cruciale lors de manifestations. Néanmoins, compte tenu des risques, il peut être intéressant d’en porter pour protéger les parties plus fragiles, comme des protège-genoux, des protège-coudes, des protège-tibias, ou encore une coque. C’est à chacun-e de jauger l’équilibre mobilité/protection en fonction de son expérience et de celle de ses camarades. Encore une fois, il faut également prendre en compte le risque de se voir confisquer le matériel, qui s’il peut parfois être récupéré après en commissariat, constitue bien souvent un poids financier.