Premiers secours psychologiques
Contents
- Avertissements généraux
- Qu’est ce qu’être « Street-médic »
- Devenir street-medic
- Cadre légal des street-médics
- Le consentement
- S’équiper
- Les équipements de soins
- Se former
- S’organiser
- Communiquer
- Gérer une foule
- Prise en charge d’une personne blessée
- Faire un bilan
- Relevage et brancardage
- Soigner
- Premiers-secours psy
- Conseils préliminaires
- Conseils légaux
- Les protections
- Les flics
- Les armes des flics
- Se placer et se déplacer
- Les lacrymogènes
- Gérer les « lacrymos »
- Gérer le risque post-lacrymo
- Gérer le risque post-blessure
- Gérer le risque post-psychologique
- Gérer le risque post-acouphène
- Faire une auto-formation
- Aller au delà
Comme évoqué plusieurs fois maintenant, les situations dans lesquelles les street-medics agissent sont par nature stressantes. C’est donc pas rare de se retrouver face à des personnes qui font face à des états psychologiques dégradés.
Contrairement aux premiers secours classiques, il n’est pas possible d’observer directement les causes et conséquences de ces états : tout le travail se fait au travers des ressentis de la personne (pour parler technique, la psycho n’est pas une science empirique), qui est de fait pas nécessairement en état de les communiquer. En plus de ça, chaque personne a ses propres mécanismes, réactions et expériences. Malheureusement, la situation ne permet pas de se poser et de discuter.
Les stratégies de premiers secours psy sont donc avant tout des pistes de travail avec lesquels vous pourrez construire votre propre approche : il s’agit d’un équilibre délicat entre protocoles froids, intuition et empathie.
Partie en construction. Si vous avez des idées ou retours, n’hésitez pas à nous contacter
Repérer une détresse psy
La première étape est de savoir repérer une détresse psychologique. Là encore, il faut savoir se reposer sur son instinct, et même avec beaucoup d’expérience il n’est pas rare de confondre une personne qui se pose cinq minutes avec une crise de panique, et de passer à côté d’une personne en détresse qui n’en a pas l’air.
Il existe beaucoup de situations psy « dégradées » et autant de façon de les cataloguer (dont certaines très cliniques et oppressives). Pour faire plus simple et se concentrer sur les solutions, on peut se concentrer sur quelques cas de figure archétypaux : en panique, tétanisé, en shutdown, en pleurs, éparpillé…
Établir une relation de confiance
Qu’importe l’état de la personne (agitée, tétanisée, renfermée), il est impératif d’établir un lien de confiance avec elle pour pouvoir l’aider. D’une part par simple respect humain basique qui anime la pratique street-medic, et d’autre part car si la personne ne vous fait pas confiance, elle refusera votre aide.
D’ailleurs.
Si une personne est en détresse psychologique, mais qu’elle refuse votre aide, n’essayez pas de forcer. Encore une fois par respect basique, ensuite parce qu’elle se connaît et refuse sans doute car elle gère mieux seule (ou tout du moins, pas avec vous), ensuite parce que votre insistance risque d’empirer son état. Enfin vous êtes peut-être la quinzième personne à lui demander « Bonjour… Ça va ? ».
Commencez par approcher la personne. Si elle n’est pas très réceptive à son entourage, attirez son attention doucement, en rentrant dans son champ de vision, et en lui parlant calmement. Si la personne ne réagit pas, tentez de lui demander d’agiter les doigts si elle vous entend. N’établissez surtout pas de contact physique tant que la personne vous l’a expressément permis plus tard.
Présentez-vous, et expliquez pourquoi vous lui parlez, sans rentrer dans le protocolaire : « Hello, moi c’est Alex, je suis là pour aider les gens, t’as besoin d’aide ? ». Attention à la petite voix paternaliste qu’on prend touxtes spontanément parfois. Gardez un ton rassurant sans tomber dans le grinçant.
Communiquer
Parce que la communication est complexe dans ce genre de cas, ne surchargez pas la personne et venez-en à l’essentiel. Ne posez pas plusieurs questions à la fois, ne les enchaînez pas, et utilisez au maximum des questions fermées, c’est à dire qui se répondent par oui ou par non.
À noter qu’il existe divers applications smartphone de communication non-verbales : ne soyez pas étonnéxs si une personne vous tend son smartphone avec l’une d’entre elles, et n’hésitez pas à vous renseignez pour en installer une sur votre propre téléphone.
Gérer une détresse psy
Personne en panique/anxiété
Il est difficile d’identifier une attaque de panique, y compris quand on en fait une soi-même et qu’on a l’habitude. Chaque personne présente des symptômes propres. En général, on résumera ça à une impression de danger imminent maintenue, qui peut entraîner une accélération du rythme cardiaque, de la respiration, une boule au ventre voire un mal de ventre, une montée de stress et des pensées intrusives. Une liste plus exhaustive de symptômes possibles serait :
- Rythme cardiaque irrégulier ;
- Vertiges ;
- Souffle court ;
- Sensation d’étouffement et nausées ;
- Tremblements et transpiration ;
- Fatigue et faiblesse ;
- Douleur à la poitrine, brûlures d’estomac ;
- Spasmes musculaires ;
- Bouffées de chaleur ou frissons ;
- Picotements au bout de vos mains ou de vos pieds
- Peur de mourir ou d’être gravement malade.
Pensez néanmoins à vérifier s’il n’y a pas une autre cause à cet état, comme une crise d’asthme, en demandant à la personne si elle fait et une crise et a besoin de ventoline, par exemple.
Généralement, le corps est dans un état de « flight or fight » (ou « combat-fuite »), et l’esprit en état de panique : le truc étant que l’un entraîne l’autre dans un cercle vicieux. Il faut donc commencer par casser cette boucle.
Si vous identifiez une personne en crise de panique ou qu’elle vous en informe, commencez donc par établir le lien de confiance. Mettez la au maximum en sécurité pour limiter le risque qu’un élément extérieur empire la situation.
Tentez d’identifier un proche qui pourrait connaître la personne et donc plus facilement pouvoir aider.
Quand la personne semble être à votre écoute, proposez lui de faire des exercices de respirations :
« cale ta respiration sur la mienne : on va inspirer trois secondes… et expirer trois secondes. Fais des respirations lentes, profondes, et sans à-coup. »
Si ça ne suffit pas, vous pouvez plus largement utiliser des techniques de cohérence cardiaque :
- Calmer la respiration. Faites placer une main de la personne sur le haut de sa poitrine, et l’autre sur son diaphragme (là où la cage thoracique rejoint l’estomac) ;
- Faites la faire des inspirations lentes et profondes par le nez en comptant jusqu’à cinq. Sa main sur sa poitrine doit rester immobile tandis que celle sur son diaphragme doit se soulever sous sa inspiration. Cela lui permet de savoir qu’elle inspire le plus profondément possible ;
- À cinq, expirer lentement par le nez, à la même vitesse. Se concentrer sur ses mains et sur le compte pour garder ou rétablir son calme. Continuer ces respirations jusqu’à ce qu’elle se sente calmé.e ;
- Détendre les muscles. Trouver une position confortable pour s’asseoir ou se coucher ;
- Fermer les yeux et commencer à vous concentrer sur ses orteils. Les replier fermement en comptant jusqu’à cinq, puis relâcher la tension ;
- Ensuite se concentrer sur ses pieds. De même, contracter tous les muscles de ses pieds fermement en comptant jusqu’à 5, puis relâcher la tension ;
- Continuer ainsi sur tout son corps, en isolant chaque groupe de muscles. Les mollets, les cuisses, les fesses, l’estomac, la poitrine, les épaules, le cou, les doigts, les mains, les bras, jusqu’à son visage ;
- Lorsqu’elle est rendue à son visage, elle devrait se sentir plus calme.
Une fois que la respiration de la personne est relativement calme, commencez à la rassurer : « tu es en sécurité » et à la resituer dans l’espace et dans le temps : « tu étais en manif, on est dans un hall d’immeuble ». Si vous sentez que la personne recommence à monter dans les tours, réorientez son attention sur sa respiration. Rassurez-la sur le fait qu’il y a le temps, et que vous pouvez rester avec elle autant que nécessaire.
Si la personne commence à être calme, assurez-vous de répondre à ses besoins primaires : bouffe, soif, sécurité, etc. Rappelez-vous de lui demander ce qu’elle veut en questions fermées, et sans la bombarder d’interrogations.
Personne en sidération
Un état de « tétanie » ou sidération fait généralement suite à un choc brutal qui a surchargé le système de stress du cerveau. Si vous tombez sur une personne en tétanie, le plus important est de la mettre en sécurité. Tentez d’établir une communication, d’attirer au mieux son attention et explicitez votre intention : « on peut pas rester là, prend moi la main, je t’emmène en sécurité ». Une fois cela fait, on appliquera alors selon les cas de figure des techniques de gestion de panique, de dissociation et/ou de gestion post-traumatique.
Personne en dissociation ou shutdown
La déréalisation, dissociation et le shutdown sont différentes choses et peuvent varier selon les personnes et les situations. On les regroupe ici par souci opérationnel.
Dans tous les cas, on peut résumer cela à une déconnexion du monde extérieur et/ou de son corps. Cela peut être provoqué par une surcharge sensorielle, un stress, un choc traumatique ou parfois sans raison particulière.
Avant de vouloir « reconnecter » la personne, il faut se poser la question de s’il faut vraiment le faire : en effet, il s’agit d’un mécanisme de défense de l’esprit face à une surcharge ou à un choc : « ramener » trop tôt une personne peut amplifier le traumatisme. Il s’agit donc de d’abord mettre la personne hors de danger, de l’éloigner plus précisément ce qui a potentiellement causé ce choc, et dans la mesure du possible de la placer dans un environnement réconfortant. Interrompez tout processus si celui-ci s’avère détrimental.
Dans le cas où il semble pertinent de la « reconnecter » et si elle est ok pour le faire, il faut alors faire de l’ancrage (ou grounding en anglais). Il s’agit de la resituer dans l’espace, dans le temps, et dans le contexte dans lequel elle est : « tu est dans l’appartement de Antoine, dans le salon : y a le café qui coule, Sam se fume une clope et le soleil se couche ».
Encore une fois, pensez à régulièrement lui rappeler qu’iel est en sécurité, y compris en lui disant en quoi : « t’es entouré de potes, la porte est fermée à clef, la manif est finie (etc) ».
On peut aussi par exemple, directement attirer son attention sur des éléments sensoriels autour d’ellui. On emploiera par exemple la règle de 5 : demander à la personne de citer par exemple cinq éléments visuels (le soleil à travers une fenêtre), quatre auditifs (le bruit du frigo), trois tactiles (le pull sur sa manche, votre main), deux olfactifs (l’odeur du café, les poubelles qu’Antoine a pas sorti, etc), et éventuellement une sensation corporelle (« l’air qui passe dans tes poumons »).
Personne en déréalisation
Les termes « dissociation » et « déréalisation » sont souvent utilisés de manière interchangeable. On l’utilisera ici pour désigner plus précisément la déconnexion de son propre corps : si vous en avez déjà fiat l’expérience, vous savez à quel point c’est désagréable.
Pour rappel, il peut être dangereux de « ramener » trop tôt une personne : discutez-en avec elle dans la mesure du possible, et interrompez tout processus si celui-ci s’avère détrimental.
À la manière de la dissociation, on appliquera des techniques de grounding, cette fois centrée sur le corps. Cela consiste à générer des stimulus sensoriels rappelant la présence du corps : c’est un exercice d’équilibriste car si vous générez un stimuli mais que la personne ne le sent pas, cela va amplifier la sensation de déconnexion : soyez à l’écoute et communiquez.
Parmi les méthodes on trouve : passer un glaçon sur la peau, dessiner au feutre sur la peau (par la personne ou par vous-même), écraser un objet qui crée une sensation (comme du polystyrène) voire des douleurs légères comme des pincements. On appliquera une logique « d’élargissement » : passez par exemple le glaçon sur le dos de sa main, et si cela marche, légèrement, commencez à le passer sur le bras, puis le cou (toujours sous couvert de consentement et de communication). À l’inverse si ça ne marche pas, passez à autre chose.
Chaque personne aura des stimuli plus ou moins efficaces : il s’agit d’un processus de tâtonnement.
Personne en surcharge sensorielle
La surcharge sensorielle est assez explicite : elle peut arriver à tout le monde, mais touche notamment les personnes autistes.
La meilleure solution est donc évidemment de limiter les stimuli : cela peut passer par proposer des bouchons d’oreille voire des écouteurs avec de la musique, bander les yeux et raccompagner la personne vers un endroit plus calme, et à terme la mettre dans un endroit safe, confortant, et sans stimulus : « accroche-toi à mon sac et ferme les yeux, je vais te guider au calme »). Même si ce n’est pas forcément le cas, les personnes qui font des surcharges sensorielles se connaissent généralement : contentez-vous d’appliquer leur consigne, en appliquant les principes de communications en limitant le nombre de questions pour ne pas en rajouter.
Personne en (post-)trauma
Se référer à la partie Gérer le risque post-psychologique
Notes et références
Aider une personne qui fait une crise d’angoisse ou un shutdown en manif, sur Rebellyon